Suppléments A~D 1 # 31.

Publié le par Armel De Lorme

Suppléments A~D 1 # 31.

L'AFFAIRE DU COLLIER DE LA REINE

Marcel L'Herbier & Jean Dréville (1945).

J'ai toujours eu une tendresse à la fois indéfectible et indicible - presque coupable - sans forcément très bien parvenir à m'expliquer pourquoi pour ce Marcel L'Herbier d'après-guerre, peut-être son dernier grand film. J'imagine volontiers que l'énergie salutaire et flamboyante déployée par Viviane Romance tout au long de sa revisite du personnage de Jeanne de La Motte-Valois - belle, touchante, cauteleuse, poignante - n'y est pas pour rien.

Film académique et chic (mais pas toc pour autant), pas non plus révolutionnaire pour un euro, malgré la Révolution de 1789, en amorce, le tout servi et présenté avec soin par le vétéran Marcel L'Herbier - avec la collaboration discrète de Jean Dréville - et porté de bout en bout par une actrice surinspirée, à peine rescapée de l'Épuration (avec excuses officielles), au sommet de son éclat, au sommet aussi de son talent. Le reste de la distribution ne suit pas toujours. Marion Dorian - plus exécrable encore que dans Volpone (Maurice Tourneur, 1940) aurait dû s'en tenir à son premier métier de productrice : elle compose la pire Marie-Antoinette de toute l'histoire du cinéma mondial, toutes époques confondues. Face à elle, Jean Hébey/Louis XVI a l'air droit sorti d'une arrière-boutique mal éclairée du fin fond du Sentier, ce qui n'en jette pas beaucoup. Jacques Dacqmine a toujours été un jeune premier calamistré, sensible et juste, mais impossible à éclairer pour cause d'yeux un peu plus globuleux que la moyenne : il ne déroge pas, ici, à la règle.

Restent les trois "Pierres" angulaires du film : Pierre Dux, plaisant et flamboyant comte de Cagliostro, Pierre Bertin, se livrant de façon décomplexée à une parodie jubilatoire de Jean Tissier mise au service d'un abbé au petit pied mi-défroqué, mi-égrillard, Pierre Palau, enfin, joaillier de la Couronne jubilatoire et raisonnablement agité du bocal, dont le nom, bien présent sur les copies VHS d'antan, a néanmoins étrangement disparu de celui de la réédition DVD. Pour faire bon poids, bonne mesure et obtenir ainsi une quatrième et dernière pierre angulaire, il faudrait encore y ajouter le nom de Pierre Labry, ex-abonné, tout au long des années Trente, aux brutes tantôt crétines, tantôt bornées, tantôt inquiétantes, et parfois à la fois : une séquence lui suffit pour personnifié, au cordeau, le greffier Hubert ne sachant pas très bien comment annoncer à Jeanne de La Motte que non elle n'a pas été acquittée par le Parlement, et que la catastrophe (flagellation, flétrissure, emprisonnement à vie, etc.) s'annonce imminente. Le tout avoué d'un air penaud, la tête baissée, le regard dirigé vers une paire de pieds tournés vers l'intérieur : du grand art. Mais on savait, depuis Cœur de Lilas, Les Croix de bois, Le Roman d'un tricheur, L'Alibi, La Maison du Maltais ou Les Disparus de St. Agil, à quel point ce troisième couteau émérite était capable de poser et de marquer d'une empreinte durable, le plus souvent en un temps record, des silhouettes bien moins caricaturales et bien plus subtiles que ce que son physique massif et son air volontiers buté pouvaient laisser présager.

Et Maurice Escande, dans tout ça ? Promu cardinal de Rohan pour les besoins du scénario, il semble passer le film entier à rire de se voir si beau (ou si belle ?) en ce miroir, à n'en pas revenir de personnifier un si beau et si noble prince de l'Église, et à s'extasier à l'infini de son propre reflet, ce qui est finalement assez raccord avec l'image de grand sot naïf et pontifiant que les manuels d'Histoire de France et les biographes de Marie-Antoinette ont laissé du personnage.

Bilan des courses : 24ème place de notre classement réactualisé.

L'AFFAIRE DU COLLIER DE LA REINE, de Marcel L'Herbier & Jean Dréville (1945), avec Viviane Romance (la comtesse Jeanne de La Motte-Valois), Marion Dorian (la reine Marie-Antoinette), Hélène Bellanger (la comtesse de Polignac), Florence Lynn (la princesse de Lamballe), Yvonne Yma (Mme Hubert), Monique Cassin (la fille Oliva [= Nicole Leguay]), Maurice Escande (le prince-cardinal de Rohan), Jacques Dacqmine (le chevalier Louis Réteau de Villette), Michel Salina (le comte Nicolas de La Motte-Valois), Jean Hébey (le roi Louis XVI), Pierre Dux (Cagliostro), Pierre Bertin (l'abbé Loth), Pierre Palau (le bijoutier Boehmer), Georges Saint-Paul (le bijoutier Bassenge), Jacques François (le comte d'Artois), Lucas Gridoux (le 2ème membre du Parlement), Paul Amiot (Me Doillot), Marcel Delaître (Me Target), André Philip (Deschamps, le domestique), André Varennes (le premier président d'Aligre), André Wasley (le bailli de Suffren), Jean-Louis Allibert (Camille Desmoulins), Robert Dartois (M. de Soubise), Pierre Labry (Hubert, le geôlier), Pierre Magnier (le procureur Joly de Fleury), Philippe Olive (Me Breton), Marcel Vibert (l'avocat général Séguier), Marcel Lagrange (le duc de Villeroi), Jean Morel (le baron de Breteuil), Georges Paulais (l'huissier de justice), Roger Vincent (l'abbé de Vermond), Luc Andrieux (un geôlier), Max Dejean (un aide du bourreau), Jacques Berlioz, Chukry-Bey, Denis Daniel, Philippe Lemaire, Johny Marchand, Paul Ménager, Jean-Pierre Mocky, Marcel Rouzé, etc.

Sortie incessamment sous peu...

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