Armel vs. Marcel : Questionnaire de Proust.

Publié le par Armel De Lorme

Armel vs. Marcel : Questionnaire de Proust.

Quelques jours avant de prendre (provisoirement) congé, Armel s'était prêté, lors d'une dernière soirée entre proches, et à l'exemple de plusieurs autres amis présents, à un questionnaire de Proust improvisé, démarré sans préméditation, comme un jeu. Pendant 90 mn, les questions ont fusé, un dictaphone crachotant par moments et un portable utilisé en mode caméra en ont conservé la trace, pour l'essentiel.

Maintenant que nous avons repris la gestion du blog, nous nous sommes dits qu'il y a trois ou quatre personnes sur la Blogosphère que la lecture de ce qui suit, lancé comme une impro et sonnant, à l'arrivée, à la manière d'une itv hypothétiquement posthume, pourrait distraire, voire intéresser...

Ta plus grande qualité ? La persévérance. La fidélité en amitié. La fidélité en amour.

La qualité que tu apprécies le plus chez les autres ? Savoir se mettre à mon service sans rechigner. (Rires). Plus sérieusement, le discernement et l'altruisme.

Les qualités que tu aimerais développer chez toi ? Le discernement et l'altruisme, précisément.

Tes principaux défauts ? Ils sont tellement énormes qu'ils n'existent pas encore pour la plupart d'entre eux. Mais j'y travaille. Sinon, la modestie.

La modestie est un défaut ? Dans mon cas, oui.

Ton principal paradoxe ? Être 100 % vegan dans l'absolu, et adorer le saucisson sec, la hampe de bœuf et la souris d'agneau. C'est une torture inouïe au quotidien.

Pire de d'écouter de la variété des années 80 ? Je n'en écoute jamais, mais j'imagine qu'en terme de degré de souffrance, oui, cela doit revenir à peu près au même. Ou alors regarder TMMP plus de cinq minutes d'affilée.

Tu n'aimes pas ? Disons que quand tu vois qu'un million et demi de spectateurs se rue tous les soirs sur les simili-facéties cathodiques de Gilles Verdez, tu as quand même de bonnes raisons de penser que la France est foutue pour un demi-siècle au moins, quand même, non ? ! Remarque, cela fait quand même 64 ou 65 millions de personnes qui ne regardent pas ce truc ignoble. C'est assez rassurant, finalement. Je retire ce que j'ai dit.

Ton personnage historique préféré ? J'ai une tendresse toute particulière pour ceux qui sont morts dans un contexte exceptionnellement stupide. Et une passion sans borne pour une poignée de dandys 1900 malheureusement tombés dans l'oubli pour la majeure partie d'entre eux, et qui, en plus d'être extrêmement stylés écrivaient remarquablement bien.

Ton livre préféré ? Les miens. Réussis ou pas, on préfère toujours ses enfants aux enfants des autres. Les livres, c'est pareil.

Ton livre pas de toi préféré ? Il y en a trop. Beaucoup trop.

Mais bon, là, tout de suite ? OK. Les Tubercules, vos amis pour la vie. Un truc fabuleux, acheté huit euros chez Naturalia, sur l'art d'accommoder les rutabagas, les topinambours et d'autres racines oubliées. Cela me fait rêver.

Et après Les Tubercules ? D'une manière générale, mon livre préféré, c'est celui que je viens de dévorer d'un trait et de refermer, en me sentant différent après l'avoir lu. Les deux derniers en date, ce sont une compilation d'entretiens avec Duras et une bio-expresse de Bowie par Eudeline. Enchaîner les deux à quelques heures d'intervalle a constitué une des plus belles expériences métaphysiques de mon existence. Un peu comme si j'étais passé de la projection de L'avventura à celle de Théorème sans avoir eu le temps de boire un café entre les deux.

Ton premier livre préféré ? Un ami vient de m'envoyer des extraits du premier roman d'Emma Daumas. Il s'intitule Supernova, je pourrais faire envoyer un camion entier de roses trémières, ou alors une seule, mais très belle, rose trémière à son auteure pour avoir écrit ce qu'elle a écrit sur... pardon, je touche à l'intime, là. Enfin, à "mon intime". Question suivante, please ?

Ton film préféré ? Je suis en train de boucler le tome XVI de l'Encyclopédie, donc, comme à chaque fois, j'oublie toujours un peu tout ce qui a précédé. Fanny (Marc Allégret, 1932) m'a plongé dans un moment de ravissement rare. D'un côté, il y a les deux scènes "jouées" absolument bluffantes, celle avec Demazis révélant à Alida Rouffe et Milly Mathis, puis celle, au comptoir de la boutique de voilages, entre Raimu et Charpin. De l'autre, la lente remontée de Demazis, quittant le cabinet du gynéco pour gagner Notre-Dame de la Garde via la Canebière écrasée par un soleil de plomb. Il n'y a pas une seconde de Pagnol dans ce faux plan-séquence, juste l'actrice, le soleil, la lumière et le bruit, et je trouve que c'est un contrepoint fabuleux à tout le reste, aussi réussi soit tout le reste en question ici : le folklore, les dialogues... Rien que pour ce film, Allégret mériterait une pleine réhabilitation.

Et à part Fanny ? Fanny n'est pas mon film préféré, mais mon film du moment préféré. (Un temps). Théorème, encore et toujours. Das Kaffeehaus, tourné pour la télévision, jamais réédité en DVD, découvert miraculeusement sur YouTube. Malpertuis. Fazil. Remorques, pas revu depuis un bail... Presque tout Demy. Pierre Étaix.

Même Lady Oscar ? Surtout Lady Oscar. Rien que pour la séquence champêtre au cours de laquelle Marie-Antoinette regrette le peu de temps que vive les roses, et le fait qu'à l'été doive forcément succéder l'hiver. Tout l'univers de Demy est présent dans cette séquence qui doit durer trois minutes montre en main. C'est la plus belle de tout le film. Une des plus belles de toute l'histoire du Cinéma français.

Tu n'as pas cité Le Plaisir ? Tiens, c'est vrai, où avais-je la tête ?

C'est très Demy, comme réplique. Pas faux. En fait, je ne l'ai pas cité parce que c'est un film hors-catégorie. Je ne sors pas de là depuis que je l'ai écrit, il y a dix ans, dans mon tout premier livre. C'est probablement le plus beau et le plus grand film tourné depuis que le cinéma existe. J'ai un immense regret, à ce propos, c'est d'en avoir trop peu parlé avec Mila Parely, à l'époque où je la fréquentais de loin en loin. On avait beaucoup parlé de Guitry, de Bresson (qu'elle exécrait), de Renoir, mais pour ce qui est du Plaisir, je suis un peu passé à côté, je ne le voyais que comme un très joli film d'Ophuls, parmi d'autres très jolis films d'Ophuls. Je n'avais pas mesuré, par exemple, la différence, pourtant flagrante, entre La Ronde et Le Plaisir, il m'a fallu dix ans pour ça... Personne n'est parfait.

Tout à l'heure, tu nous a dit que ta plus belle surprise récente liée à l'Encyclopédie était Fédora ? Même topo que précédemment. Il n'y a que les crétins et les sots pour penser que Boulevard du Crépuscule est un chef-d'œuvre et Fédora un succédané tardif. Alors que c'est exactement l'inverse. Tout est bidon dans Sunset Boulevard, même Swanson, qui est très mauvaise, Stroheim, on n'en parle même pas. C'est du très mauvais mélo, tellement grossier que le public et la critique l'ont porté au pinacle. Et sur les vicissitudes de la vie de star hollywoodienne, All About Eve, tourné la même année que Sunset, est un milliard de fois plus réussi. Y'a pas photo. Juste pour en finir : je ne comprends toujours pas que Marthe Keller n'ait pas eu, sur la durée, l'immense carrière qu'elle méritait. On retient La Demoiselle d'Avignon, les De Broca, putain, elle méritait les plus grands cinéastes. Elle est magnifique aussi, dans Bobby Deerfield, même si cela reste un film dispensable. Sans elle, sans Pacino, il ne présenterait aucun intérêt, mais, franchement, quel fucking couple...

Ton film récent préféré ? Le grand regret de mon existence, c'est de manquer de temps pour voir et revoir les films patrimoniaux, et suivre l'actualité d'un peu plus près. En fait, j'aimerais avoir deux vies, ou alors ne pas dormir du tout : une pour me consacrer pleinement à la recherche et à mes travaux, l'autre pour découvrir tout ce que je n'ai pas le temps d'aller voir en salles. Cela vaut aussi pour le théâtre. J'ai raté Vu du pont aux Ateliers Berthier, la diffusion de l'hommage à Fassbinder dont m'avait parlé Myriam Mézières, je rate tout en ce moment. Sauf mes livres.

Le prochain film que tu aimerais rater ? J'ai très envie de voir Le Cancre, parce que, quand même, la même perspective de voir Vecchiali, Deneuve, Arnoul, Basler, Cordy, Lebrun, Scob, Amalric et Cervo réunis sur la même affiche, est assez excitante en soi. Bon, après, il y a le fait que Sim soit le coscénariste, cela gâche un peu mon plaisir, à l'avance. En plus, je crois qu'on le voit aussi à lécran. Beurk. J'en frémis.

Il est pas mort, Sim ? C'est comme qu'on appelait l'horrible Simsolo, Howard Vernon et moi. On le trouvait petit, chétif et laid, comme Sim. Un Sim en moins drôle et en plus pénible. Howard disait toujours que sur les tournages des Biette, il avait en permanence deux cailloux dans ses chaussures : la Grognasse dans le soulier droit, Simsolo, ses chapeaux en feutre et ses cache-cols dans son soulier gauche. Et encore, Howard a eu du bol, il n'a pas eu droit à Valérie Jeannet en prime. Moindre mal. Enfin bon, faut absolument que je voie Le Cancre.

Ton disque préféré ? Même topo que pour le reste, une émotion forte peut en chasser facilement une autre, avant de s'effacer au profit d'une nouvelle émotion encore plus forte. Les dernières émotions fortes, ce sont Blackstar, les premiers extraits de l'album de Christophe à paraître, la réédition de l'Olympa 1978 de Barbara avec quatre versions inédites en bonus, et les sublissimes versions, que j'avais un peu oubliées depuis le temps de Mon enfance et de Il automne. (Un temps). On ne pourrait pas trouver des questions plus futiles, là ? Du style, ton gâteau préféré ?

OK. Ton gâteau préféré ? Le cake d'amour de Peau d'Âne. D'ailleurs, je porte toujours une robe couleur de soleil pour cuisiner. Même pour découper des tomates en rondelles ou pour presser de l'ail.

Ton activité favorite. Hors écriture. Shoeing.

Euh ? Le shoeing est au soulier ce que le fooding est à la nourriture. Dans les grandes lignes.

Ton légume préféré ? La truffe, parce que c'est à la fois rare, bon et cher. Comme mes livres.

C'est pas vraiment un légume, la truffe. Si tu le dis... Alors le crosne. Je n'ai aucune idée du goût que cela peut avoir, mais on en dit beaucoup de bien dans le livre sur les tubercules dont il a été question il y a quelques minutes. Et puis, personne ne le connaît, et je ne parle pas des idiots qui disent "une crosne" au lieu de "un crosne".

Une fragrance ? Habit Rouge for ever and ever.

Un bijou ? N'impote quel bijou du moment qu'il est signé Igor Dewe. Je me suis aperçu que nous sommes amis FB depuis trois ans, alors que je connaissais pas son travail. C'est fabuleux, ce qu'il propose.

Un soulier ? Rautureau. Repetto. Zorzetto. Les terminaisons en O sont au chausseur ce que le nanisme est à la grande Linda Hunt ou les hanches à Catherine Deneuve. Une sorte d'incontournable. Une évidence.

Une chemise ? Blanche, si possible, en popeline de coton et coupée à la perfection.

Un costume ? J'aimerais bien m'offrir un Samson sur mesures, avec mes prochains droits d'auteur. Un par jour.

Une tenue pour écrire ? Fruit of the Loom, qui est quand même la marque la plus ridicule que j'ai jamais connue, serait sur le point de lancer une gamme de suitjamas gris à bandes verticales, à porter avec une cravate en tartan. Je demande à voir, mais je m'en réjouis d'avance.

Une essence ? Une seule ? ! Et puis quoi encore ? !

OK. Plusieurs, alors. Merci. Thuya. Laurier. Olivier. Osier. Rosier. Glycine.

Une revue ? La Revue blanche (1889-1903). Et B's & B's, telle que je l'avais imaginée à l'automne 2014 et que je n'ai pas cessé une seconde de l'imaginer depuis.

Un animal de compagnie ? Un labrador sinon, rien. Et le jardin d'intérieur qui va avec pour qu'il puisse y gambader à longueur de journée, et penser, de la sorte, que je suis un bon maître.

Un deuxième animal de compagnie ? Une tarentule spécialement dressée pour aller piquer les gens que je n'aime pas.

Des noms ? Il y a en trop, d'ailleurs, je suis un ange, tu sais : même en pensée, je suis viscéralement incapable de vouloir du mal à mon prochain, fût-il le plus gros des enculés. Bon, pour commencer les escrocs de Unserious Publishing, ensuite, une bonne moitié au moins du personnel de la Cinémathèque française, et la taulière du Café de la Gare, en prime. Mais je ne suis pas certain qu'elle ma tarentule ait le courage de la piquer : elle est vraiment trop vilaine, avec sa coupe à la Yoko Ono pas rafraîchie depuis 1974, ses pulls en mohair miteux et ses lunettes à quadruple foyer. Même une araignée n'aurait pas le courage de s'attaquer à un tel monument de mauvais goût. En tout cas, si j'étais une araignée, je ne le pourrais pas.

Eh bien alors, si tu étais un animal ? Un phénix, sans aucun doute possible.

Pourquoi, un phénix ? Parce que je suis mort dix ou vingt fois, et ce n'est pas fini. Bon, on va dire que la prochaine sera la bonne. C'est en bonne voie, je crois, non ?

Des regrets ? Pas tant que. Ne pas m'être suffisamment battu pour mes pièces de théâtre. M'être laissé découragé trop vite, je crois. En fait, je pourrais très bien m'accVARI2Tommoder d'une reconnaissance posthume, discret comme je suis, mais... Comment dire ? J'ai vécu cinq ou six fois le bonheur d'intenses rencontres avec des spectateurs qui souscrivaient vraiment à ce que je leur avais proposé. Et ces moments de partage, cela me ferait vraiment chier de ne pas en revivre quelques-uns. Une bonne centaine, un truc comme ça. Pour la route...

L'écrivain avant le bonhomme, en fait. J'ignore si je suis réellement écrivain. N'importe qui, ou presque, peut écrire. Je pense que l'écriture en soi, la seule, la vraie, est une religion. Je suis dans doute trop mécréant dans l'âme pour pouvoir me prétendre écrivain, avec ce que cela implique de légitimité. Sauf pour ce qui est de Théorème Trotsky, et, dans une mesure moindre, de Des hosties & des hommes. Peut-être. De fait, écrivain - au sens noble du terme - ou pas, historien du cinéma ou non, je crois que je pourrais parfaitement vivre sans voir des films. Mais pas sans écrire, non : ça jamais !!

OK, ça c'était pour l'écrivain, au sens noble ou pas. Mais le bonhomme, lui, il a des regrets ? Absolument.

Cite-m'en un. Ne pas avoir suffisamment dit à mes proches à quel point je les aimais. Même si je crois, fondamentalement, qu'il ne faut pas dire ces choses-là, mais plutôt les exprimer. C'est important la pudeur. Ou alors, il faut le dire, mais autrement. Moi, j'aurais quand même eu la chance de pouvoir dire à quelques personnes, via mes livres, enfin, surtout via mes pièces de théâtre, ce que j'avais parfois du mal à formuler dans la vraie vie, à quel point elles comptaient pour moi. Je crois que je n'ai pas assez souvent su remercier les gens autour de moi, aussi. Mais, là encore, c'est compliqué. La société est tellement mithridatisée que quand tu dis merci, simplement merci, ou bien tu passes pour un faible, ou alors, la personne en face trouve cela suspect. Au moins, à la fin de chacun de mes livres, je peux remercier tranquillement qui je veux et comme je veux. C'est bien plus simple, au fond, qu'au quotidien

Pas d'autres ? Si. Plein. J'aurais adoré avoir la volonté et la persévérance d'apprendre le chant et, au moins, des rudiments de danse contemporaine. Enfin, j'ai quand même appris deux ou trois choses au cours de ma vie : que c'est bien de faire sa vaisselle avant de se coucher (avec La Rumba des Isles, c'est mon passage durassien préféré) et d'envoyer des coffrets de L'Occitane et des boîtes de chocolats à ses amis quand il ne vont pas bien. Cela compense un peu. Et puis quelques rencontres que j'ai fait foirer bêtement depuis un an ou deux, parce que je ne croyais pas suffisamment en moi à l'instant T.

Du style ? Du style le barbu cool et sexy écoutant du Massive Attack dans son iPod, qui t'offre gentiment du feu en gare d'AIX-TGV et fait tout le trajet en train dans le compartiment d'à-côté du tien, mais auquel tu n'oses pas proposer d'aller prendre une bière au bar. Des baffes.

Tu es fan de Massive Atttack ? Depuis que j'existe, ou presque. La claque prise en voyant, à 18 ans, Patrick Chéreau et Pascal Greggory évoluer en piste sur Karma Coma, dans une relecture sublimement épurée de Koltès. Leurs albums ont traversé ma vie, comme ceux de Lou Reed, de Bowie ou de Barbara. Je crois que je n'aime que les artistes atemporels, au fond. En ce moment, je réécoute en boucle les deux premiers albums d'Alister. C'est le type même du disque à la fois mainstream et antimainstream, parfaitement raccord avec l'air du temps, les exigences sonores ou mélodiques du moment, mais je mettrais ma tête à couper que dans cinquante ou soixante ans, on prendra conscience qu'ils auront compté parmi les productions françaises les plus pertinentes et les plus abouties de l'aube des années 2000, au même titre que les derniers Bashung ou les récentes productions de Christophe.

Tu as beaucoup d'icones, en fait. Je veux dire à part toi. Connard. Pléthore d'icones, même si j'ai appris avec le temps, à être un peu moins dans la fan attitude, et un peu plus dans la reconnaissance du talent. On va dire qu'il y a au bas mot une centaine de personnes que je n'aurais jamais rencontrées, ou alors de loin, qui auront accompagnée ma vie, et que je leur en sais gré à jamais, quand bien même l'ignoreront-elles. D'ailleurs, la plupart sont mortes, de Mirbeau à Fassbinder, en passant par Luis Buñuel, Agnès Capri, Maria Casarès, Gérard Philipe, Françoise Dorléac, Pierre Clémenti, Silvana Mangano ou Delphine Seyrig. Mais bon : mon jardin privé n'est pas qu'un cimetière, non plus. Deneuve, Adjani, Ingrid Caven, Arielle Dombasle, Carmen Maura, Marisa Paredes, Anna Mouglalis, Fanny Ardant, Brigitte Fontaine, Marie France ont encore de beaux jours devant elles.

Oui, enfin, la plus jeune du lot, c'est Adjani, et elle va sur 62, quand même. Certes, mais je préfère une actrice talentueuse de soixante balais à deux moins talentueuses de trente. Excuse-moi. En même temps, pas d'accord, il y a une tripotée de trentenaires et moins, connus ou moins connus, que j'adorerais avoir le temps de suivre dans la durée : Julien Doré, Pharaon De Winter, Izia Higelin, Gipsy Âmeli, MB 14. Sans parler des créateurs tous domaines confondus dont j'ai pu découvrir le travail via les réseaux sociaux, mais que je ne connais pour la plupart d'entre eux qu'à la faveur de leurs publications. Checke un peu ma page friends sur FB, il y en a, c'est du pur caviar. C'est même mieux que du caviar. Des donneurs de bonheur à l'état pur. J'exagère à peine. Et dire qu'on prétend que je suis un grognon, un aigri, que sais-je ??

C'est assez drôle, finalement, les gens gardent souvent de toi l'image de quelqu'un qui ne s'intéresse qu'au cinéma ancien, français de préférence. Quelqu'un de passionné, mais d'austère, et qui ne kiffe que les vieilles actrices. Oh, ça va, je ne suis pas Frédéric Mitterrand non plus. (Un temps). On a tous tendance à enfermer les gens dans des petites boîtes compartimentées, moi, le premier. On ne se laisse pas assez surprendre par les autres. C'est dommage. Pour autant, mon statut autoproclamé d' "homme-cinémathèque" me convient parfaitement. Il me permet de faire la différence entre deux types de personnes, aussi respectables soient-elles, les unes et les autres : celles qui ne s'intéressent qu'à L'@ide-Mémoire et à ses publications, et celles qui ont assez de "temps de cerveau utile" ou de curiosité, ou de sympathie, pour explorer les aspects les moins mis en avant de mon univers, aussi banal et inintéressant soit-il. J'ai un pote qui est tombé des nues, il y a un mois de cela, quand je lui ai dit, de façon pas du tout préméditée, qu'avant L'@ide-Mémoire, je faisais, sous un autre nom, du journalisme musical. Il croyait sincèrement que je visionnais trois films par jour depuis l'enfance et que le reste du temps, tout le reste du temps, j'écrivais dessus, sans boire, manger, dormir ou baiser. Patience et pédagogie, on ne sort pas de là.

Trois vœux secrets ? Si je les révèle, ils ne seront plus secrets. Bon, la paix dans le monde, on oublie, d'abord parce que c'est éculé, ensuite par ce que c'est impossible. La condition nécessaire et suffisante, ce serait que l'homme disparaisse au préalable. C'est l'affaire de quoi ? Cinquante ans ? Soixante ? Enfin, si les religions pouvaient disparaissaître, ce serait déjà un grand pas en avant, je crois. Donc, pour rester dans les choses de l'ordre du possible, enfin, un peu plus dans l'ordre du possible, je dirais : 1° Trouver en moi suffisamment de force physique pour participer à deux ou trois Nuits debout ! (et poster des selfies de moi disant "gnagnagna" un peu comme on récite un mantra involontairement drôle), et voir le mouvement prendre de l'essor de façon pérenne. 2° Découvrir la Vénétie, c'est con mais je n'y suis jamais allé. 3° Pouvoir emporter mon baladeur mp3, une partie de ma bibliothèque et un DVD du Plaisir dans l'Au-delà. 4° Voir des âmes charitables reprendre B's & B's là où je l'aurais laissée et 4° Bis Assister à une dernière lecture publique des mes textes de théâtre. Parce que les fois précédentes, c'était de la balle, quand même. Demande à Stéphane.

Cela fait quatre vœux, et même cinq. Je déteste avoir à choisir.

Ce que tu regrettes le plus d'avoir écrit ? Un article de blog à l'emporte-pièce, qui dévaluait de façon bête et sectaire le travail d'un confrère bien plus doué que moi. Je lui ai rendu justice depuis.

Ce que tu es le plus fier d'avoir écrit ? Mon livre sur les films de Sacha Guitry, parce que j'ai rêvé de l'écrire à l'âge de huit ans et que je l'ai sorti à 38. Or, il s'en passe des choses en trente ans...

Et au théâtre ? La seule réplique dont je sois vraiment fier, c'est, de mémoire, "C'est ma chatte ou il pleut ?". Le reste ne présente aucun intérêt dans une dimension papier, j'estime que les textes de théâtre sont faits en priorité pour être joués, pas pour être lus. Enfin, bon, il y a des exceptions : Genet, Duras, Copi, Koltès passent haut la main le cap de la lecture à plat, je crois. Moi, je ne sais pas. L'avenir le dira peut-être. Ou pas.

Qui aimerais-tu être ? Dieu. Comme ça, je serai omnipotent, et, de plus, je n'existerais pas.

Qui n'aimerais pas tu être ? Bernard Menez. Pierre Gattaz. Un jeune gay en Arabie Saoudite ou dans n'importe quel pays du Golfe. Un vieux gay dans le Marais. Une femme obligée de porter le voile, où que ce soit dans le monde. Le cadavre de la princesse de Lamballe.

En quoi aimerais-tu te réincarner ? J'hésite encore entre une chaussette sale de Jake Gyllenhaal et un boxer d'Henrik Fallenius porté sept jours sur sept, vaste dilemme.

En quoi n'aimerais surtout pas pas te réincarner ? Un bâton de rouge à lèvres d'Emmanuelle Béart. Une petite culotte de Marine Le Pen. Un chroniqueur de TMMP. Un abonné de Canal + en 2016 et après. Un spectateur payant du concert annuel des Enfoirés.

Un conseil ? Vivez vos rêves. Et mangez salé. Cela fera deux conseils pour le prix d'un.

Une devise ? Avant, j'étais gauche, mais ça, c'était avant.

Une épitaphe ? Vie réussie. Chimio ratée.

Capté, entre deux Mojitos, et dérushé par Julien Espadrillès, lors de la fête de sortie du Tome XV de L'Encyclopédie des Longs-Métrages 1929-1979, fin mars 2015.

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